- MÉMOIRE COLLECTIVE
- MÉMOIRE COLLECTIVEMÉMOIRE COLLECTIVEAucune société ne peut se dispenser de se forger une mémoire collective sous peine de disparaître ou de perdre son unité et sa personnalité. Aussi, au cours de l’histoire, diverses sociétés se sont-elles livrées à des tentatives successives de mémorisation de leur capital intellectuel et technique.Il s’est agi, tout d’abord, pour les sociétés où l’écrit n’existait pas, de transmettre un savoir-faire technique et des connaissances scientifiques qui n’étaient fixées, alors, dans aucune littérature. C’est ainsi que, de siècle en siècle, les corporations ont joué un rôle primordial dans la conservation des secrets de métiers ou dans le domaine de l’apprentissage. Puis, avec l’apparition de l’écrit, la société a noté ce qui ne pouvait être fixé ni dans des successions de gestes ni dans des produits: les éléments du calendrier, les généalogies, les actes financiers et religieux, etc. C’est au XVIIIe siècle que la mémoire écrite a triomphé par cette entreprise monumentale qu’a été l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert. Chacun des articles de cette œuvre est un rouage de la mémoire collective, technique et scientifique, de la société européenne de cette époque. Ensuite, le pas décisif allait être celui de la constitution de fichiers. Avec un ensemble de fiches (ou avec des cartes perforées), il devenait désormais possible de stocker l’information et de l’organiser sous des formes différentes. Ainsi pouvait-on, à l’aide d’une carte perforée, faire fonctionner un métier Jacquard ou encore, à l’aide de fiches, constituer un fichier bibliographique à entrées multiples. L’apparition de l’ordinateur allait désormais permettre d’emmagasiner puis de traiter une somme considérable de données, dans tous les domaines de la connaissance, et de fournir à l’utilisateur les réponses à ses questions en un temps extrêmement bref.Mais les données techniques ne sont pas les seules qu’une société se plaise à mémoriser. La mémoire collective a pour fonction de transmettre aussi des symboles, des exemples, des préceptes et d’assurer la diffusion des normes qui régissent la société (ou le groupe). Par ailleurs, la pensée sociale n’est pas abstraite. Elle s’appuie sur des représentations imagées et concrètes d’événements ou de personnages, localisées dans le temps et dans l’espace.Pour reconstruire le passé, un individu fait appel à des points de repère sociaux: ceux que lui offrent sa famille, son groupe religieux ou politique, sa classe sociale ou son groupement de travail. C’est ainsi que sous l’Ancien Régime la conscience collective de la noblesse reposait sur deux notions capitales: celles de race et d’histoire. La notion de race se fondait sur une supériorité séminale, celle de l’excellence transmise biologiquement de génération en génération; celle d’histoire affirmait que l’on appartenait à une lignée possédant une origine historique: celle de l’ancêtre guerrier vainqueur. Les deux notions interdisaient, pendant un temps, toute identification entre la noblesse et le tiers état. Et c’est en se conformant à ces deux notions que l’aspirant noble pouvait accéder légitimement à son titre; en s’y refusant, il s’excluait de fait du groupe.La mémoire collective réalise, sans cesse, un compromis entre le présent et le passé. Elle réactualise continuellement des croyances traditionnelles qui prennent toujours corps dans des personnes ou dans des groupes et elle leur donne le vernis d’idées actuelles, pour que les hommes d’alors les comprennent, s’y intéressent et les acceptent comme leurs.Il en résulte que toute pensée sociale est une mémoire constituée de souvenirs collectifs dont l’importance est suffisante pour que la société en assure la reconstruction à son profit (cf. M. Halbwachs, Les Cadres sociaux de la mémoire , Paris, 1925; La Mémoire collective , Paris, 1950).
Encyclopédie Universelle. 2012.